Avant le marathon :

Le marathon de Paris 2009 s'est couru dans des conditions idéales qui m'ont permis de réaliser mon meilleur chrono historique, 3 heures 41 minutes et 50 secondes. Compte tenu de mon âge, je suis donc devenu susceptible d'obtenir une "guaranteed entry" au marathon de New York, un vieux rêve, cela, sans avoir à passer par le tirage au sort et sans avoir à acheter mon dossard à l'une des agences habilitées par l'organisation du ING NYC Marathon, alias le marathon de New York.

Nanti de mon résultat à Paris, je me suis précipité sur le site du marathon, www.ingnycmarathon.org pour faire mon "application" qui doit être faite avant le 1er mai pour les "guaranteed entries". J'ai reçu confirmation de mon inscription à peine deux semaines plus tard.

Et c'est parti … avec maintenant le 1er novembre comme point de mire.

 

Réservation d'hôtel, pas trop loin de Central Park qui est la zone névralgique de l'événement, réservation du billet d'avion pour le jeudi 29 octobre, obtention de l'ESTA d'entrée aux USA [1]; ensuite, il ne reste plus qu'à s'entraîner.

Le départ de la course a lieu à Staten Island. Pour s'y rendre, les coureurs sont vivement incités à utiliser les transports officiels du marathon, seuls habilités à acheminer avec sécurité les coureurs à l'heure au départ. J'apprends par Internet qu'il convient de consulter assez régulièrement [2], que les affectations de transport au départ de la course sont en cours. Je demande à être affecté à "City Center", point de ramassage le plus près de mon hôtel, moyennant quoi je suis affecté au ferry de Long Island à 6:30. Je tente une réclamation; rien à faire, ces affectations sont définitives et non modifiables. Ce n'est pas grave.

 

Je reprends le programme d'entraînement qui m'a bien réussi sur Paris. C'est un programme en 10 semaines, plus court que ceux préconisés aux USA, plus long que ceux préconisés en France. Comme je devrai l'interrompre pour notre voyage en famille en septembre, je lui adjoins une semaine de plus. Ce qui me conduit à commencer mon entraînement le 3 août, pendant notre séjour estival à Thézan des Corbières.

Ça, c'est dur !!! La chaleur des journées exige que je me lève avant le soleil et que je sois sur la route dès que les lueurs de l'aube deviennent suffisantes pour que les voitures m'évitent. Je profite ainsi à satiété des magnifiques levers de soleil sur les garrigues de Saint André de Roquelongue. Je vise de revenir avant 8 heures 30 pour surtout ne pas manquer le réveil de Matteo qui est l'autre soleil de nos journées à Thézan. Je m'impose ensuite de poursuivre le débroussaillage de la pinède de la maison de Régine, labeur jamais accompli depuis sa plantation il y a 35 ans.

Je ne vous fais pas un dessein. Au retour à Paris fin août, je suis épuisé.

 

Je poursuis l'entraînement cahin caha à Paris et à Chartainvilliers jusqu'au repos bienvenu et imposé par le voyage familial de septembre.

Au retour, je reprends au niveau de la 6ème semaine.

A ce stade, le problème est de surmonter la lassitude que provoquent ces 4 ou 5 séances hebdomadaires sur une si longue période. Dix semaines, c'est mortellement "gavant".

Bon, je continue. Début octobre, l'organisation annonce par e-mail l'envoi prochain de l'"invitation card" indispensable à chacun pour retirer son dossard. Je fonce donc sur mon Internet, sur le site du marathon, sur mon "entrant login" et je vois que je serai doté du BIB numéro 22261, que je serai affecté au "corral blue" et que je partirai avec la "wave # 2 – yellow". Je commence à me sentir pris en charge par la machine dont j'ai tellement entendu vanter la parfaite organisation. La mi octobre est passée, je n'ai toujours pas reçu ma carte d'invitation. Je commence à flipper, mais le 23, un message annonce qu'elles seront mises en ligne sur le "entrant login" dans la journée. Effectivement, quelques heures plus tard, je peux récupérer en format ".pdf" le précieux document qui doit être présenté sur papier pour pouvoir retirer son dossard.

Ça y est, j'ai tout, je peux prendre l'avion le 29 octobre.

Avant la course :

Je me rends dés mon arrivée à New York à l'Expo, au Javits Center, où je retire mon paquetage : dossard, D-Tag pour l'enregistrement des temps de passage, T-shirt du marathon, le tout dans le "goody bag" transparent et strictement obligatoire pour que mon vestiaire puisse être transporté par UPS de la zone de départ sur Staten Island à la zone d'arrivée à Central Park.

 

Régine arrive dans la soirée par un autre avion et le vendredi, nous allons ensemble visiter le Museum d'Histoire Naturelle. Des heures de piétinement, ce n'est pas la meilleure préparation pour la course, mais ce Museum est tellement fantastique !!!

 

Samedi, je participe à la " Continental Airlines International Friendship Run ". C'est un petit galop sympathique de 4 km. Nous partons de l'immeuble des Nations Unies dans la 1ère avenue pour aller à Central Park jeter un coup d'oeil à la ligne d'arrivée du marathon de demain. En fin d'après-midi, Régine m'accompagne à la "pasta party" sponsorisée par Barilla qui a lieu à la "Tavern on the Green", superbe et immense restaurant dans Central Park, au niveau de l'arrivée du marathon. Les pâtes sont excellentes et variées. Je m'empiffre pendant que Régine va admirer le feu d'artifice tiré par "Poland Springs" et qui déclenche à la première fusée l'averse qui couvait.

Le matin de la course :

Lever le dimanche matin à 5 heures. Je mange les viennoiseries dérobées la veille au restaurant de l'hôtel car tout est fermé et je n'ai nulle envie de courir Manhattan à la recherche d'un bistrot ouvert. Je vais prendre le métro à la station de la 52ème rue qui se trouve à 100 mètres de l'hôtel. Il pleut. Chic !!!

 

Nous sommes nombreux sur le quai. Mal réveillés, nous grimpons tous dans le 1er train qui arrive. Mauvaise pioche, c'est un "L2", il fallait un "L1". Nous descendons en cœur à la station suivante et nous montons, re en cœur dans le bon train suivant. En bout de ligne, le ferry. Nous embarquons, il y a beaucoup de place. Je me trouve au milieu d'un groupe d'Italiens et nous sympathisons puisque j'ai, maintenant, un petit fils italo-français. Je suis assis, au chaud et à l'abri. J'en profite pour accrocher mon D-Tag au lacet de ma chaussure et pour coller le poster de transport portant mon numéro de dossard sur mon "goody bag" dans le rectangle prévu à cet effet.

 

Nous arrivons à Staten Island. Il pleut toujours. Dans le même mouvement nous embarquons dans les bus qui nous transportent en 15 à 20 minutes à Fort Wadsworth. Il pleut à la descente; je réalise que j'ai oublié à l'hôtel le ciré que j'avais prévu pour cette circonstance. Je me traite de tous les noms d'oiseaux. Heureusement pour moi, la pluie s'arrêtera bientôt.

Il est 7:30 et le départ de la 2ème vague dont je fais partie est à 10:00. Plus que 2 heures et demie à attendre !!!

Fort Wadsworth est un immense parc en plein air où sont installés trois "villages" de départ chacun équipé d'une aire d'attente, alias "staging area" et d'une aire de départ ou "start area". Il y a un village bleu, un orange et un vert dans lesquels ont été répartis les coureurs. Je saurai plus tard que nous avons été 43741 à avoir retiré notre dossard. La couleur du numéro de celui-ci indique à chacun dans quel village il doit se rendre. Je suis un bleu.

 

Des porta-cabines WC sont installées en grand nombre si bien qu'il n'y a pas ces longues queues épouvantables du marathon de Paris tellement inacceptables. Heureusement, car le froid du petit matin est diurétique. On sert du café, du thé, de ces pains viennois en tore dont la qualité new-yorkaise est, paraît-il, incomparable. Moi, je les trouve à la limite de l'immangeable, mais c'est ça qu'il y a.

Je m'habille en "course": collant, casaque de vélo parce qu'elles ont des poches dans le dos dans lesquelles je mets les trois barres de la pâte de fruits (pommes cassis) de Chartainvilliers et de ma fabrication. J'en prendrai une à 20K, une à 30K et la dernière à 35K. Ensuite, je remets mon "goody bag" aux bons soins du camion UPS qui gère mon numéro de dossard. Il n'y a plus qu'à attendre l'heure.

Au départ :

Les coureurs de la 1ère vague sont appelés à rejoindre leur "corral" de départ. Il y en a sept par "start area", identifiés par une lettre de A à G. Ce sont des sas dans le couloir qui mène à la ligne de départ. Les lettres correspondent à l'objectif de temps de chacun, les plus rapides devant, les plus lents derrière. Le numéro de dossard de chacun est suivi de la lettre de son corral de départ. Je suis un A dans la 2ème vague. La 1ère vague regroupe les plus rapides, puis la seconde, ensuite la troisième. Il y a une vingtaine de minutes entre chaque vague d'environ 14500 coureurs.

 

La 1ère vague s'ébranle pour aller rejoindre la ligne de départ à l'entrée du pont de Verrazzano. Les hauts de survêtements qui ont permis de ne pas mourir de froid au village sont enlevés et jetés sur les bords. On appelle la 2ème vague. Un dernier pipi et je rejoins mon corral. C'est super car avec la lettre A, je suis en tête de la course.

On avance lentement jusqu'à l'entrée du pont. On s'arrête. Le chanteur de service à son micro s'égosille sur l'hymne "America, America … "; hurlements d'enthousiasme et de joie.

America America

 

Je balance mon vieux survêt CAMIF, cadeau de Jacquie et, lesté de mes 73 heures d'entraînement, je suis parti pour 42,2 km alias 26.2 miles.

La course :

Je déclenche mon chronomètre. Le pont est devant, un peu plus de 45 mètres de dénivelé sur 1500 m, cela fait du 3%. Je m'arrête avant l'ascension pour prendre des photos et, en route. La descente qui suit est rapide, 60 m sur un peu plus de 1km. On attaque la remontée de Brooklyn plein nord. Au mile 8, les coureurs des trois "villages" qui suivaient des itinéraires légèrement différents pour éviter les encombrements sont regroupés. La foule le long du parcours est immense. Il y a des gens sur plusieurs rangs de façon continue. Ils sont enthousiastes et encouragent à pleine voix. Devant une église, une communauté accompagnée d'un orchestre chante des "spirituals".

 

A partir du mile 3 et à chaque mile, sauf sur les ponts, des bénévoles distribuent des gobelets en carton de "Gatorade" et d'eau. Je ne suis pas parvenu à boire au gobelet en courant, sauf d'en mettre davantage sur mon plastron que dans ma gorge. Je ferme donc tant bien que mal le gobelet en le serrant et je m'arrête pour boire après la zone de distribution. J'ai là un gisement important de progrès !!! Mais la technique du gobelet une fois maîtrisée est supérieure à celle des bouteilles d'eau pratiquée par Paris car, comme il est impossible de courir avec un gobelet ouvert en mains, tous les gobelets sont jetés sur une très courte distance tandis qu'à Paris les bouteilles qui se transportent bien plus facilement, parsèment tout le parcours.

Nous passons de Brooklyn à Queens par le pont Pulaski. Le vent souffle sur le pont. Il est froid. Le semi marathon est au milieu du pont. Je passe en 1 heure 49. C'est rapide pour moi.

 

Je prends une photo à la volée. Le mouvement n'est pas orthodoxe et se paye par une douleur aux reins qui me poursuivra jusqu'à la ligne d'arrivée et au delà.

 

Nous zigzaguons dans Queens avant d'aborder le Queensboro bridge. La montée de 35 mètres en 800 mètres est féroce. De nouveau le vent fort et froid.

Nous voici sur la 1ère avenue dans Manhattan et nous allons plein nord. La foule est de plus en plus dense et toujours extrêmement chaleureuse. Beaucoup de gens, surtout des enfants, tendent une main pour que des coureurs la leur effleure. Je le fais quelques fois et je reçois un beau sourire et, comme j'ai mis un petit drapeau bleu blanc rouge dans mon dos, j'entends "He is french" ou "allez France" en français dans le texte.

 

En haut de l'avenue, on traverse Willis Avenue Bridge pour un périple d'un gros mile dans le Bronx d'où nous ressortons par Madison Avenue Bridge puis la 5ème avenue vers le sud. C'est à peu près plat jusqu'après le mile 22. Mais là, il faut escalader la face est de Central Park que longe la 5ème avenue et ça se met à monter à nouveau à 2 à 3% pendant 1200 m, jusqu'au niveau du MET où le parcours rentre dans le parc. Au mile 24, mes cuisses me jouent le grand air du "on en a marre" et se mettent toutes les deux en crampes. Je suis obligé de m'arrêter et de marcher. Les spectateurs très très nombreux dans le parc me regardent avec commisération et j'entends quelques timides "allez France". Et ça repart, doucement, puis à l'allure normale jusqu'à la ligne d'arrivée. Mon chronomètre que je snobais depuis le mile 24, me dit 3 heures 50 minutes. Je suis agréablement surpris de ma performance.

Après la ligne :

Une longue procession de coureurs peu ou prou épuisés mais heureux s'organise et coule lentement. On nous donne une couverture de survie qui est la bienvenue car le froid s'installe très vite à travers les vêtements moites de transpiration. On reçoit la médaille du marathon suspendue à son ruban orange. Photo souvenir avec médaille. Sac "Gatorade" avec du gatorade, de l'eau, un tore de pâtisserie, une pomme et une barre de truc chocolaté. Je mange avec acharnement et il y a du rab.

On longe la file des camions UPS qui ont amené les "goody bags". Ils sont rangés le long de l'allée du parc et comme il y en a des dizaines et des dizaines, la file est très longue. Il faut en remonter les 2/3 pour arriver à mon numéro de dossard 22261.

 

Me voilà changé et sec.

 

Internet me dira dans la soirée que j'ai mis 3H 50min 20sec. Je suis 11040ème, 24ème de mon âge, mais ne dit pas si nous étions 24 ou 25 soixante-huitards au départ.

Il ne me reste plus qu'à aller prendre le métro pour rejoindre l'hôtel. Mes jambes raidissent rapidement. Il n'y a pas de temps à perdre.

Ce soir, j'irai avec Régine dans un bon restaurant manger un énorme T-bone steak et boire du vin.

 


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[1] Lequel document s'est en fait révélé inutile. Le questionnaire vert de toujours reste en vigueur, du moins au 29/10/2009.

[2] Allergiques à l'Internet, s'abstenir de tenter mon parcours "independant". Toutes les informations sans exception passent soit par le site du marathon, soit par e-mail.